Les petites bourgades semblent parfois ne pas présenter grand intérêt. On les traverse vite. En voiture, ça vous prend une minute - et c’est tout juste si ce bourg n’est pas un obstacle, quelque chose qui vous oblige à ralentir, qui vous fera passer quelques secondes de moins là où vous voudriez déjà être, au travail ou avec vos proches. Sauf quand vous y avez grandi dans ce village, et que vous vous y êtes fait vos premiers copains, que vous y avez joué vos premiers matchs de foot, que vous êtes allé peut-être à l’église à Noël, où vous avez fait votre communion, ce qui ne vous a pas laissé un bien grand souvenir, que vous avez joué vos premiers spectacles à la salle des fêtes, que vous avez travaillé parfois dans l’usine du coin. Pour vous, ce village, ce sera désormais et pour toujours le centre du monde. Même en le quittant, vos pensées vous y ramènent, comme à un vieil ami à la vie à la mort, un vieux pote qui vous restera fidèle, et qui vous attendra malgré les années et le silence de vos lettres, bien qu’adolescent vous l’ayez renié des millions fois parce que ses habitants vous semblaient petits et mesquins, parce que vous n’aviez rien à y faire, parce que vous vouliez un ailleurs lointain et ensoleillé.
Si je repense à Tourouvre, ce sera toujours avec la même émotion. Non, pas vraiment la même, avec une émotion plus forte, et qui empire avec les années avec des larmes ridicules qui me perlent au bord des yeux. Pourtant, si on me proposait d’y emménager, je refuserais catégoriquement. Peut-être éviterais-je même d’y repasser en voiture, parce que ce village, de toute façon, il n’existe plus.
(Sur la photo, la cour de l'école où j'ai joué si souvent, où j'ai fait la course, où je me suis pris mon premier coup de poing dans la figure, où l'on faisait des batailles de feuilles mortes l'automne, ce qui ne plaisait pas à nos institutrices. Normalement, le portail au fond est fermé et nous protège de la rue. Je me souviens encore du bruit qu'il fait lorsqu'on gagne la course.)
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