Nous voilà rendu au cimetière militaire de Powązki à Varsovie. Aga et sa maman achètent des pétunias pour fleurir le columbarium où reposent les cendres de son père décédé en 2022. Sur la plaque de marbre qui ferme la niche a été insérée la photo de son visage en noir et blanc, en tenue militaire, le visage est solennel conformément à l’usage, mais le regard bienveillant. Ce cimetière est une sorte de Père-Lachaise à la varsovienne, un endroit où l’on enterre toutes les personnes ayant quelques mérites. On y trouve d’anciens combattants, mais aussi des professeurs d’université, des personnes du show-biz, d’anciens politiques, des médecins. Non loin du papa d’Aga, des stars de groupes de rock décédés prématurément, une autrice de livres sur la diététique végétarienne, un ancien sénateur, un homme moustachu organisateur de spectacles de cirque. A regarder les tombes ou les niches du columbarium, on pourrait en apprendre long sur la culture polonaise, pour peu que l’on veuille consulter immédiatement dans l’internet, chose que je n’aime pas faire avec mon téléphone. Agnieszka nettoie l’étagère à fleurs, jette les plantes desséchées, arrose celles qui ne le sont pas encore, balaie tout autour. Elle s’aperçoit que certains de nos pots, très pratiques pour accrocher des fleurs au niveau de la niche, ont disparu. Comme tout le monde achète les mêmes pots gris en plastique à l’entrée du cimetière, certains en profitent pour les dérober. Veulent-ils faire des économies ou gagner du temps ? Qu’ils gardent leur butin après tout. Ces pots en plastique, une fois leur forfait accompli, nous leur donnons de tout cœur. Cela leur évitera momentanément d’être des voleurs. Qu’ils emportent avec eux ce maigre butin !
Sur le chemin du retour, on s’arrête manger un morceau dans un petit restaurant de la rue Francuska. Non loin de là, une statue à l’effigie d’Agnieszka Osiecka, légèrement plus grande que nature, représentée assise à la table d’un café, la chansonnière et poétesse des années soixante, l’amante de Jeremi Przybora, lui aussi poète et chansonnier dont on dit souvent que si l’on parvenait à traduire ses chansons en Suédois, tâche quasi impossible, il recevrait le prix Nobel de littérature. Jeremi Przybora écrivait des chansons pour le « Cabaret des vieux messieurs », sorte de comédie musicale et théâtrale écrite pour la télévision dans les années cinquante et mise en musique par son complice, Jerzy Wasowski. La rue se trouve à de Saska Kempa, un très pittoresque quartier, avec des maisons blanches et carrées d’avant-guerre dont certaines sont couvertes de lierres, avec ses rues ombragées et ses jardins secrets, indéniablement le plus beau quartier de Varsovie. Nous avons rêvé d’y habiter, mais aujourd’hui, les maisons et même mes loyers sont hors de prix. Aga me demande comment je me sens. « Comme chez moi ! » bien entendu. La rue Française respire la France avec ses terrasses de cafés dont toutes les chaises sont tournées vers la rue, comme pour pouvoir mieux zyeuter le passage des passants et du temps.
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