22 février 2025
Un dimanche.
Depuis le début de l’année, je guette les levers de soleil, je surveille avidement les minutes de jour gagnées sur l’obscurité. Ce matin, il a fait son apparition à six heures, montrant sa bonne bouille rouge entre les grands sapins. Comme tous les matins, je réchauffe le café de la veille dans une petite gamelle. Puis je fais un feu dans le poêle du salon avant qu’Aga ne se lève. Bientôt, le soleil va se refléter sur la neige. Le chat va me réclamer des jeux et des promenades, mais d’abord, je dois aller courir, puis faire du Tai-Chi, puis prendre ma douche. Tout cela dure de longues minutes, de longues heures, et l’existence du chat s’écoule sans jeu et sans promenade.
La route est bien dégagée, mais à l’horizon, les champs et les bosquets enneigés m’évoquent certains paysages de Bruegel. Cependant le ciel n’est pas gris, mais d’un bleu pâle et lumineux. Le chant puissant des grues réveille l’écho des collines. La route bordée de ses tilleuls nus grimpe vers le nord. A l’est, les labours du voisin s’élèvent vers l’orée de la forêt, à l’ouest, une prairie d’herbes desséchées descend vers un immense plan d’eau, point de villégiature de centaines d’oiseaux migrateurs. Je ne cours pas très vite. D’habitude, je ne fais même pas un kilomètre avant de faire demi-tour et de courir dans l’autre sens, mais ce matin, il y a comme un air de printemps alors je continue de grimper la route en marchant. Je souhaite pouvoir partager ce bonheur avec le monde entier. C’est le bonheur d’un dimanche ensoleillé, comme un dimanche de fête, comme le dimanche du jour de ma communion. Je devais avoir neuf ou dix ans.
Avec maman, nous nous étions mis d’accord sur les personnes à inviter. Maman tenait à voir Louis et Suzanne. Il y avait bien entendu mon parrain Jean-François. Peut-être y avait-il aussi Georges et Christiane. À vrai dire, je ne me souviens plus très bien qui était de la fête. Pour moi, c’était plutôt une corvée et j’avais hâte d’avoir prononcé ma partie du discours à l’église, d’être rentré chez nous et de me débarrasser de cet habit tellement ridicule. Maman était très pieuse. En tout cas, c’est ainsi qu’elle se voyait à l’époque. Et c’est à elle que je pense à présent en marchant dans la lumière du matin. Aucune tristesse dans l’air, mais plutôt cette atmosphère de fête, de renouveau. Je ressens sa présence. Les invités vont bientôt arriver. La table est dressée d’une nappe blanche et ce bonheur surgit de mes plus lointains souvenirs d’enfance et submerge le monde entier. La plupart des gens qui passent sur la route l’ignorent, mais les grues et moi, nous savons.
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