Journal - Samedi 15 mars

 

Le chemin des cimetières

C’est le mois de mars. Malgré le grand soleil, il souffle un vent glacial à Varsovie. Aga, sa maman et moi prenons un bus pour nous rendre au cimetière militaire de Powąski. Nous voulons faire une petite visite à Czesław, le papa d’Aga qui a ses cendres dans le colombarium. La ligne 111 nous conduit jusqu’au quartier de Muranow, juste en face du Musée de l'Histoire des Juifs polonais, appelé autrement le musée Polin. C’est un bâtiment contemporain dont la haute silhouette se dresse au milieu d’un square de la rue Anielewicza. (Mordechaj Anielewicz qui a donné son nom à cette rue était un résistant juif. Il fut commandant d’une organisation juive de combat qui organisa le soulèvement du ghetto juif. Anielewicz et les siens préférèrent se suicider plutôt que de se rendre). Nous sommes assis à l’arrêt de bus et attendons une autre ligne qui nous transportera au cimetière. Le quartier est très propre, avec ses rues bien droites, beaucoup d’arbres, des haies bien taillées, de larges rues. L’aspect du quartier était sûrement très différent avant la seconde guerre mondiale, un peu comme dans le film « Le pianiste » avec Adrien Brody dans le rôle de Szpilman. Les bâtiments étaient plus hauts, évoquant même certains quartiers parisiens (Varsovie était alors surnommé le Paris oriental). Aujourd’hui, cette partie de Muranow évoque une ville provinciale. Si on examinait des photos de la période du ghetto, on se rendrait compte que nous nous déplaçons sur des morts. Il ne fait aucun doute que sous nos pieds gît toute une population sans sépulture. De nombreux juifs, adultes, vieillards ou enfants, sont morts de faim ou de maladie, ont été assassinés ou ont été brûlés vifs dans les immeubles que les nazis avaient incendiés lors du soulèvement. Si ce n’étaient les nombreuses plaques et stèles commémoratives, on ne rendrait même pas compte de la tragédie qui s’est déroulé ici huit décennies plus tôt (il n’y a pas si longtemps). Nous montons dans le bus qui tourne vers le nord et longe le cimetière juif. Dans la prolongation du cimetière se trouvait une sorte de stade, le club sportif Skra. Cet endroit servit de lieu d’exécution. Des fosses communes y furent creusées. Le bus longe ensuite Powązki, le plus grand et l’un des plus anciens cimetières de la capitale, l’équivalent du Père-Lachaise. Notre cimetière à nous est un peu plus loin.

Lorsque nous arrivons, Aga et sa maman achètent toujours des bougies et des fleurs. Nous remplaçons et jetons les vieilles bougies, faisons un peu le ménage au pied du colombarium et ajoutons de nouvelles fleurs, en pot de préférence. Il y a même un petit panier dans lequel Aga dépote et rempote des fleurs au fil des saisons. L’année dernière, Aga avait replanté les bulbes de Muscari d'Arménie dans le gazon entre les allées, juste en face du colombarium. Lorsque nous arrivons, nous avons la surprise de les voir refleurir.

De son vivant, le papa d’Agnieszka a pris part à de nombreuses missions de paix des Nations Unies. La Syrie, Sarajevo, la guerre de l’Iran contre l’Irak, il ne fait nul doute qu’il a plusieurs fois contribué au dialogue et à la paix. Et voilà que, depuis l’au-delà, Czesław, s’est mis au jardin !

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