Journal 1.12.24


 

En août 2024, je me suis remis à peindre. C’est un tableau de Francis Newton Souza qui a tout déclenché. Souza est un peintre du XXe siècle de Bombay. J’avais été impressionné par l’énergie de ses peintures qui se caractérisent par des larges traits noirs séparant différentes zones de couleur ou de représentation, et surtout par le caractère de ses portraits, à la fois brut et dégageant une incroyable délicatesse.

J’ai tout de suite voulu le suivre. Et j’ai vite compris que ce chemin exigerait du temps et du travail. Autodidacte, me voilà aux prises avec des couleurs, des pinceaux, des mélanges à base d’eau ou d’autres produits dont je ne comprends pas la finalité, avec des grains de toile, des imperfections qui peuvent devenir outils, des outils parfaits et, dans mes mains, devenus inutiles soit par manque de savoir-faire, soit parce qu’inapproprié par rapport à la « vision » de mon projet.

 

1/12/24

Aujourd’hui, j’ai eu une discussion avec Aga, une conversation très curieuse. J’étais allongé sur le canapé et Aga était assise légèrement derrière moi (du coin de l’œil, je pouvais percevoir sa silhouette assise). Elle m’a posé une question à propos de cette peinture de trois personnages dans un paysage hivernal. Que représentaient-ils pour moi, et pourquoi portaient-ils une sorte de trompe à la place du nez ? J’ai immédiatement répondu qu’il s’agissait du Père, du Fils et du Saint-Esprit, un peu en plaisantant j’avoue, bien que l’idée de trinité ne soit pas tout-à-fait absente du tableau. Ensuite, j’ai ajouté que, pour moi, ces personnages représentaient une quête. En écrivant ces lignes, je dois tenter de me souvenir des émotions qui ont conduit à la réponse, car je ne me souviens pas exactement des mots. Aga me dit alors qu’elle comprenait mieux ce tableau. Mes personnages ne sont pas tout-à-fait humains, ils représentent plutôt des « forces » qui sont présentent dans la nature, des forces que je ressens en moi et qui cherchent à « surgir ». Leur regard à l'apparence perlée est inversé, tourné vers un espace qui n’est pas situé devant eux, mais au cœur de l’être. Ces êtres non-humains manifestent la recherche de ma relation avec l’harmonie, avec l’ordre cosmique (une harmonie ou un ordre dynamique, et donc qui change et se mute en son contraire en se faisant parfois disharmonie et désordre). Cette force dynamique est exprimée par leur visage colérique. Il ne s’agit pas d’une colère humaine. Il s’agit d’une colère qui est l’expression d’une énergie créatrice, dynamique, transformatrice. Quant aux traits sombres et aux ombres, elles m’ont été inspirées par Souza, elles expriment un rythme, un battement, une sorte de musique destinée à faire danser la lumière et les couleurs.

 

03.12.24

 

En poursuivant ma réflexion sur ce que j’ai envie de faire en dessinant ou en peignant, j’en arrive à la conclusion qu’il s’agit pour moi d'entretenir un dialogue avec l’indicible. Les religions sont galvaudées en ce sens qu’elles n’offrent pas de moyens d’expression satisfaisantes. L’art - quant à lui - est la première et la dernière religion. Il ne cherche pas à s’imposer, il n’évangélise pas, ne prétend pas vous sauver ni vous offrir la libération. A l’instar de la religion, il pourrait très bien vous enfermer dans une sorte de conformisme, mais il peut également vous en libérer à condition d’agir de façon désintéressée.

Il s’agit donc de ce qu’on appellerait une discipline, plutôt qu’un credo. La discipline implique une action, le credo une sorte d’opinion. La discipline est dynamique et peut évoluer.

L’art peut englober nos émotions et nos paradoxes. Les religions n’aiment pas les émotions (alors qu’elles en sont souvent le jouet). L’art interroge et ne dicte rien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je suis en accord avec toi sur ce sujet ! merci mon frère