Quelqu’un court
Du téléphone à la télévision, décalé
Hagard, en colère
Le souffle bouleversé et la tête ailleurs
De grosses tempêtes à la porte du cœur, pourquoi donc les laisser
entrer ?
Est-ce que quelqu’un a observé
La lumière du soleil sur le tapis ?
Ktoś biegnie
Od telefonu do telewizora, dziwaczny
Zgarbiony, wściekły
Bez tchu i z zawrotami głowy
Wielkie burze u drzwi serca, po
co je wpuszczać?
Czy ktoś obserwował
promienie słońca na dywanie?
Mercredi 5 mars 2025
LE MONDE NE SAURAIT ÊTRE RÉPARÉ
Le monde ne saurait
être réparé ni à l’extérieur ni à l’intérieur,
-
Ni à l’extérieur puisque toute tentative d’en faire le meilleur des mondes
tendrait à un échec, soit sous forme de conflits entre ceux qui soutiennent des
valeurs différentes, soit sous forme de dystopie ou de tout autre système
totalitaire. Le concept de monde meilleur une sorte d’erreur de logique ;
-
Ni à l’intérieur, c’est-à-dire dans le sens d’un monde imaginé par la
prière, en fait pour les mêmes raisons puisque les prières ne sont autre chose
que nos projections et interprétations du réel.
Lorsque nous
voulons réparer le monde, nous voudrions le faire selon nos propres vues ou
visions. Ces vues ou ces visions ne peuvent être que partielles, car nul ne
peut prétendre posséder le savoir universel ni l’omniscience, même à l’aide des
outils les plus perfectionnés. Nous avons tous des vues plus ou moins
éclairées, plus ou moins généreuses, plus ou moins égoïstes, plus ou moins obtuses
ne serait-ce que celle qui semble tout à fait légitime d’exister aux yeux de la
société et d’y avoir une place à notre avantage. Et pour ces raisons, il n’est
nul qui n’ait une vue biaisée des solutions qu’il faudrait adopter pour réparer
ce monde.
Je me pose à
présent la question : « S’agit-il alors de réparer le monde … ou l’âme
du monde ? » (Peut-être l’âme au sens que Jung donnait à ce terme
lorsqu’il se définissait lui-même comme médecin de l’âme ? Il n’avait
peut-être pas à l’esprit « l’âme du monde », mais l’âme des personnes
qui le consultaient. En parlant d’âme du monde dans le sens de Mantra,
c’est-à-dire la trame parfaite des mondes, telle que définie dans les
philosophies orientales, une telle âme n’aurait assurément pas besoin de
réparation. Il s’agirait plutôt, pour nous, de recouvrir et « la
vue » et « l’essence » d’une telle perfection). Les êtres et les
choses ont une âme, dans le sens qu’ils sont bien plus que des individus et des
choses. Ils ont une relation d’eux-mêmes avec tous les autres êtres et choses
qui existent dans le reste du monde. La relation d’une pierre ou d’une plante
avec son environnement n’est pas chose anodine, ce que nous constatons avec
inquiétude à l’heure où la biodiversité s’effondre et où le climat connait des
bouleversements dramatiques. Nous savons intuitivement qu’une montagne n’exerce
pas la même influence sur nos santés et nos psychés qu’un lac, une ville ou un
bord de mer.
Pendant
longtemps j’ai cherché la prière idéale, celle qui serait dénuée de mes projections.
J’ai grandi dans la tradition catholique. Lorsque j’étais adolescent, je
faisais de longues promenades en forêt où je m’imaginais discuter avec Dieu.
J’aurais voulu des réponses ou des signes. Un jour, une connaissance de ma
sœur, et collègue de mon beau-frère, est tombé dans le coma. Je ne me souviens
plus des détails de l’histoire, je crois qu’il était tombé dans le coma, par
suite d’un empoisonnement. Je me trouvais alors à Rouen. Je m’étais donc
réfugié dans une église et j’avais prié pour sa santé. Il s’était rapidement
remis, et je m’étais persuadé que les prières pouvaient vraiment beaucoup.
Bien entendu,
il y a une limite qui est tout-à-fait logique, nous sommes tous mortels.
D’autre part, si vos prières parviennent à changer une situation, il est
possible que cela reste instable, un peu comme si vous tiriez sur un élastique.
Le destin va reprendre sa forme originelle, sous-tendu par des forces considérables.
A cette époque, je ne pratiquais pas la méditation. Parfois, mes prières
arrivaient, parfois non. Je comprends aujourd’hui que vouloir « agir »
ainsi peut devenir un leurre, une mégalomanie spirituelle, un piège de plus de
notre ego puisque notre ego est aussi composé de nos projections. Il faudrait
être capable de « prier » sincèrement et que peut-on souhaiter sincèrement
à nos corps et à nos mondes qui, s’ils naissent, doivent forcément connaître un
jour leur fin. Et voilà mon problème de logique évoqué plus haut. Comment réparer
le monde puisqu’il n’est pas de civilisation qui ne s’effondre ou ne se
transforme tôt ou tard ? Je crois que nul n’a autorité à imaginer des
mondes meilleurs pour autrui. Il n’y a pas de progrès, il n’y a que des
inventions qui enrichissent ou non leurs promoteurs. Il existe néanmoins des
règles sacrées. On pourrait résumer celles-ci par l’art du « vivre
ensemble ». Dans des temps antiques, peut-être n’étaient-elles pas nécessaires,
parce qu’elles paraissaient si évidentes que nul ne songeait à les formuler.
Qu’est-ce que je
veux dire par « vivre ensemble ».
Nous sommes
entourés de phénomènes que nous ne comprenons pas forcément et ce que nous identifions
comme « je » ou « moi » est lui-même un phénomène que nous
ne comprenons pas forcément. Que nous le désirions ou que nous en ayons de l’aversion,
ces phénomènes coexistent, en nous et hors de nous. Nous n’avons pas d’autre
choix que de les accepter pour ce qu’ils sont, des phénomènes interdépendants
et transitoires, ceux que nous voyons et comprenons aussi bien que ceux que
nous ne voyons ni ne comprenons. Le « vivre ensemble » passe d’abord
par une reconnaissance et une acceptation de la réalité de ces phénomènes, même
s’ils nous paraissent effrayants, menaçants etc. En revanche, je m’interroge :
où s’arrête le phénomène et où commence l’illusion ? Nous donnons souvent
trop de réalité à des évènements qui sont comme des narratifs de nos
conditionnements. Lorsque je parle de réel, je ne pense pas à ces narratifs. Nos
peurs, nos désirs, nos émotions sont des phénomènes qu’il convient de
reconnaitre pour ce qu’ils sont tout en cultivant à leur égard une forme de
détachement (non pas un rejet, qui est finalement une autre forme de l’attraction)
mais un détachement bienveillant ou sans malveillance.
En appliquant
ce détachement bienveillant ou sans malveillance, nous pouvons nous rapprocher
d’une vue débarrassée de projections, de déformations, de narratifs, de
fictions.
C’est désormais
ainsi que je « prie ». Il ne s’agit donc pas d’une prière au sens qu’on
lui donne habituellement. Je contemple donc ce monde où je suis né, en me
disant qu’il en existe peut-être un plus grand nombre qui échappe à mes sens ou
à ma compréhension. Et je tiens cette vision, près du cœur, avec gratitude et
bienveillance, ou sans malveillance, sans prétendre y apporter des vues ou des
narratifs qui seraient nées de mes conditionnements. Le frigo ronronne
doucement dans la cuisine. Le chat se lave et s’apprête à dormir. Le vent
souffle. Nous vivons ensemble avec nos attributs, en acceptant que les attributs
d’autres êtres soient différents voire incompréhensibles.